Les savoirs faire papier traditionnels incluent ceux liés à la préparation des fibres végétales et ceux participant à la formation des feuilles : techniques de récolte, découpe, cuisson, et battage des fibres (coton, lin, soie, sisal, abaca, mitsumata, etc.) suivies de l’utilisation d’un cadre, la "forme", pour produire les feuilles de papier, avant pressage et séchage. Le coton est adapté pour obtenir un papier poreux et doux ; pour un effet plus textile le kozo est un bon choix… mais si on recherche un papier transparent présentant également les qualités de texture et de luminosité qu’offre le vélin, l’abaca est privilégié.

Ajout de la pulpe et de l’eau au "deckle box"
Toutes ces fibres - coton, abaca, kozo, lin, mitsumata, gampi - sont utilisées traditionnellement et peuvent aujourd’hui être fournies traitées et en partie préparées pour la production du papier. Le coton, l’abaca, et le lin peuvent par exemple être fournies sous forme de carton épais prêts à être redispersés, les fibres cuites ayant été à peine battues puis séchées en couche épaisse. Le gampi, le kozo, et le mitsumata peuvent également être fournies sous forme d’écorces préparées (coupées et lavées) que l’artiste devra adoucir par cuisson et battage ; ce dernier sera fonction des qualités que recherche l’artiste pour son papier.

Ajout de la pulpe et de l’eau au "deckle box"
Une fois préparées, les fibres de coton, de coton raffiné ("fine cotton") ou d’abaca raffiné ("overbeaten abaca") peuvent être pigmentées, blanchies ou laissées naturelles. Pour la formation des feuilles, l’artiste utilise une "forme" qu’elle submerge dans une cuve remplie de pulpe diluée, puis qu’elle relève tout en l’agitant afin de distribuer les fibres en une couche homogène. Dans son propre travail de composition, Thaïs utilise un "deckle box" : c’est un cadre aux parois hautes qui sert d’abord de cuve grâce à une feuille plastique placée en fond et permettant de contenir les fibres en suspension dans l’eau.

Initiation de la décantation
Ce cadre est utilisé en tant que moule après retrait de la feuille plastique de fond, évacuation de l’eau et dépôt des fibres qui "sédimentent". A chaque étape l’artiste peut manipuler le papier. Par exemple, pour affecter la distribution des fibres, elle peut jouer sur des ajouts d’eau ou de fibres pendant que le deckle box se vide. Une fois le deckle box vidé, les fibres en tapissent le fond et il est alors possible de "dessiner" en écartant des pans du tapis de fibres à la main. C’est par la maitrise de toutes ces étapes et techniques que Thaïs compose ses tableaux.

La circulation de l’eau permet une distribution
homogène des fibres
A chaque étape l’artiste peut manipuler le papier. Par exemple, pour affecter la distribution des fibres, elle peut jouer sur des ajouts d’eau ou de fibres pendant que le deckle box se vide. Une fois le deckle box vidé, les fibres en tapissent le fond et il est alors possible de "dessiner" en écartant des pans du tapis de fibres à la main. C’est par la maitrise de toutes ces étapes et techniques que Thaïs compose ses tableaux.

La feuille est formée, mais reste fragile : avant
pressage, les fibres sont encore gorgées d’eau

Tableaux finis et pressés : trois couches d’abaca (et
coton pigmenté) entourent les dessins sur glassine

Boite de séchage sous pression et circulation d’air
Le "matelas" de fibres, une fois formé et retiré du deckle box, reste fragile: il manque encore une liaison forte entre les fibres. A ce stade, l’artiste peux superposer une ou plusieurs couches qui vont s’entrelacer et se lier lors du pressage du papier. Ces couches assemblées finissent par composer une seule feuille. Ainsi le hanji coréen est un papier traditionnel composé de deux couches de fibres du "murier à papier". Dans un contexte artistique, on peut utiliser cette accumulation de couches non seulement pour des effets de couleur et de texture, mais aussi pour l’ "embedding" c’est-à-dire l’insertion d’éléments relativement plats entre les couches de fibres. Ainsi, dans "Thoughts Series" Thaïs enveloppe et assemble dans l’abaca des fragments de peintures à l’encre, émergences de pensées cherchant à briser la surface de la page.

Relevé des sections d’abaca afin de créer des
ouvertures ; en arrière-plan: un dessin posé sur une
couche de coton que l’abaca va en suite recouvrir

Deux couches d’abaca superposées, la couche
supérieure présentant des ouvertures

Formation d’une feuille de papier : des barrages
improvisés dirigent les fibres

Pulpe d’abaca pigmenté, en préparation